dimanche 1 septembre 2013

Critique de Random Access Memories de Daft Punk


Ceux qui s’attendaient à du One More Time ou du Around the World ont été un peu perplexe. Moi-même, après l’avoir téléchargé quelques jours avant sa sortie, j’ai cru que c’était un fake en écoutant les premières secondes de Give Life Back to Music, et qu’on m’avait mis un quelconque album de rock à la place.

Mais comme je l’expliquais dans ma critique du deuxième opus de Justice, de nos jours, il ne faut plus s’attarder sur la forme de la musique des artistes d’électro : la technologie fait qu’aujourd’hui, on peut avoir virtuellement presque tous les instruments qu’on veut et une ample variété de matériels sonores, ce qui fait que n’importe qui peut faire presque n’importe quel type de musique. Alors forcément, dans ces conditions, le son de certains artistes évolue énormément en très peu de temps.

Pour ne rien arranger, les deux Daft Punk, qui avaient l’impression de tourner en rond dans leur processus de création musicale, ont voulu radicalement changer de méthode, en employant de vrais musiciens, et non des moindres (Rodgers, Gonzales, Moroder, Casablancas, Williams, Williams, Edwards, Panda Bear…). Résultat, un son plus acoustique, laissant un peu perplexe ceux pour qui la musique électronique est constituée systématiquement d’un kick avec des synthétiseurs créés sur un logiciel de M.A.O.

Le funk et le disco étaient pourtant déjà là sur les albums précédents. Discovery est fait à 70 % de samples de groupes de l’époque, et Herbie Hancock a eu droit à un hommage avec Short Circuit. Les références sont exactement les mêmes, mais elles n’apparaissent pas sous la même forme.
  1. Give Life Back to Music : Que doit-on comprendre des paroles un peu vantardes de cette chanson ? « Nous, Daft Punk, allons redonner de la vie dans la musique. » Et mon cul sur la commode ? C’est pas parce que la musique est faite sur ordinateur qu’il n’y a plus de vie dedans ! Et d’ailleurs, on n’a pas attendu Daft Punk pour avoir de l’électro avec des vrais instruments, mais passons. Au-delà de ça, ce morceau tout de guitare funk vêtu, avec quelques étonnants breaks hard rock, est un bel accueil chaleureux, un peu répétitif, mais comme nous l’ont prouvé la plupart des singles précédents de Daft Punk, répéter la même chose pendant cinquante mesures, ce n’est pas un souci quand c’est fait pour ça. 14/20
  2. The Game of Love : Eh, c’est quoi ça ? On commence en Ferrari, sur les chapeaux de roue, et dès la deuxième piste on se retrouve sur un tracteur à galérer dans un chemin de terre. Comme l’ont remarqué un paquet de gens, The Game of Love ressemble à une musique funky de film de cul des années 70 qui se passe dans le futur, avec un acteur portant un costume de robot en carton. Pénétrator ? Première rencontre avec l’un des problèmes de Daft Punk : la tendance à la ringardise. Moi je ne suis pas du tout snob. Selon moi, le bon goût est subjectif, et la hype, une communauté de connards riches faibles d’esprit qui ne savent pas quoi foutre de leur fric (c’est chic, freakah !). Le morceau est somme toute audible, mais trop banal, et on attend un peu mieux d’un groupe qui se présente comme l’un des meilleurs du monde. 9/20
  3. Giorgio by Moroder : Hommage au compositeur de musiques de films (tels que Scarface), de funk et de disco, Giorgio Moroder. Ce dernier parle en personne de ses débuts et son ambition musicale, sur une instru funk et un arpège de basse rappelant ses propres compositions. Puis une étonnante batterie fait basculer le morceau dans le rock progressif, et se termine en apothéose oldfieldesque après un sympathique solo de basse. C’est plutôt cool et ambitieux. 16/20
  4. Within : De retour, pour vous jouer un mauvais tour, le versant « cheesy » de Daft Punk. Très similaire à The Game of Love, Within bénéficie quand même du timide secours du piano de Chilly Gonzales. Quand j’ai écouté cette piste, je me suis quand même écrié : « mais arrêtez ça enfin ! Vous voyez pas que vous lui faites du mal ?! » À qui ? Je ne sais toujours pas. 9/20
  5. Instant Crush : On va éviter de parler de cette voix autotunée à la con qui donne l’impression que Julian Casablancas est dans son bain en train de faire des bruits avec sa bouche… Ce petit côté soft rock type the Police est drôlement agréable. Personnellement, j’aime beaucoup le petit synthé Atari qui s’invite à la fin de la chanson. 12/20
  6. Lose Yourself to Dance : Ça commence pas mal. La reverb sur la batterie donne un côté électro-funk début 80’s, la slap bass est délicieuse, et la petite rythmique de Neil Rodgers fout la pêche. Pharrell Williams chante avec sa voix presque jacksonienne, tout va bien. Et v’là t’y pas… Que des vocoders. Complètement ridicules. Se mettent à chanter des trucs débiles. À la limite « comone », c’est nul mais ça passe. « evewrybodi onedeuflore », je veux bien aussi. Mais qu’est-ce que c’est que cette voix dans les aigües qui fait : « evewrybodisinbidibilaonedeflore » ? Ça gâche tout ! En plus le calvaire recommence à 3:30, et du coup le morceau paraît hyper long. Le dérapage de l’album, selon moi. 8/20
  7. Touch : Alors ça c’est un morceau intéressant. D’abord faut savoir que les Daft Punk sont des fans de Phantom of the Paradise – film fantastique de Brian de Palma (réalisateur de Scarface) sur l’industrie du disque, relecture rock 70’s du Fantôme de l’Opéra – et qu’ils se sont inspirés du costume du héros du film pour leurs tenues de robots. Paul Williams, celui qui chante sur Touch jouait le méchant dans ce film, et en a composé la musique. Voyez ce film, et vous saurez d’où vient l’idée de ces chuchotements électriques venus d’ailleurs au début du morceau. Et vous pourrez comparer la nette ressemblance entre ce dernier et la musique du générique de fin de Phantom of the Paradise. Williams étant également le compositeur de tubes telles que la chanson du Muppet Show, et celle de la Croisière s’amuse, il a su créer une jolie ritournelle pour Touch, malheureusement mal servie par des transitions un peu brutales et hasardeuses qui cassent la continuité de la chanson. Dommage. 14/20
  8. Get Lucky : Bon, vous savez tous ce que c’est, pas besoin d’en parler. Moi je trouve ça un peu répétitif, mais sympa. 14/20
  9. Beyond : Est-ce que l’intro est une référence à Buzz l’éclair ? Là par exemple, c’est ringard, mais pas déplaisant. Malgré l’inévitable vocoder qui commence à nous gonfler, cette chanson est une sorte de Game of Love qui a réussi. Plus énergique et plus « original », avec notamment cette steel guitar qui se fait si rare dans la musique actuelle. 11/20
  10. Motherboard : On est enfin dispensés de vocoders, les synthétiseurs rappellent Chris Clark, les clarinettes s’invitent sans crier gare, la guitare acoustique est caressée d’arpèges. Les sons aqueux et bestiaux évoquent la campagne. Motherboard est automnal – logique, après l’estival Get Lucky –, délicat, relaxant, et bien qu’il soit le plus discret, selon moi l’un des meilleurs de l’album. 16/20
  11. Fragments of Time : Retour en été sur cette fameuse côte ouest que les Daft Punk voulaient évoquer – comme l’explique Todd Edwards dans cette vidéo – notamment grâce à la steel guitar. Fragments of Time est entre le funk, la soul, le rock des Eagles, et la musique purement électronique, avec le micro-sampling. Il fallait bien rendre hommage à cette technique d’abord utilisée par Todd Edwards et Akufen dans les années 90, puis popularisée par un certain Face to Face de Daft Punk (feat. Todd Edwards, déjà), et aujourd’hui très en vue dans l’électro (notamment dans le complextro, nouveau genre incarné aujourd’hui par Skrillex, Madeon ou SebastiAn). Pour ceux qui ne voient toujours pas ce que c’est, elle consiste à rythmer un morceau par différents sons courtement découpés. Bref, Fragments of Time est complètement maîtrisé, presque trop. Il laisse une étrange impression de fadeur. 13/20
  12. Doin’ It Right : Un vocoder répétant la même chose pendant quatre minutes, une boîte à rythme, un gars qui chante, trois notes de synthétiseur. Minimaliste et répétitif, sur le papier, Doin’ It Right ressemble à une sacrée merde. Erreur. Un charme mystérieux fait qu’on ne s’ennuie jamais vraiment. Le savoir-faire, probablement. 13/20
  13. Contact : Il paraît que beaucoup de gens aiment beaucoup cette bande-son pour mise à feu de fusée. C’est quand même franchement interminable sur la fin. 11/20
Moyenne : 12,3

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Critique de Glow de Jackson & His Computerband

Eh ben mes aïeux, sacrée année !

Dans peu longtemps, on va tous perdre un morceau de vie en jouant à GTA 5 (l'occasion pour que tous ceux dont la vie ne satisfait pas (c'est-à-dire à peu près tout le monde) de massacrer ses concitoyens virtuels avant de se jeter d'un avion en signe de rebellion contre leur dépression latente).

Et pour les gosses dont les parents les interdisent d'acheter des jeux interdits aux moins de 18 ans (c'est-à-dire aucun), il y a Pokémon X et Y qui viennent juste après. Remarque, j'ai l'impression que plus aucun gamin ne joue à Pokémon, et que les principaux acheteurs sont des jeunes adultes attardés comme moi.

Et c'est pas tout. En 2013, plusieurs musiciens majeurs (v)ont sorti(r) un album.

Il y a eu - entre autres :
  • Kavinsky (bof)
  • The Strokes (bof)
  • Tyler, the Creator (bof)
  • James Blake (bof)
  • Vampire Weekend (bof)
  • Queens of the Stone Age (ah !)
  • Daft Punk (aha !)
  • Jackson and His Computerband (ahaha !)
  • et bientôt MGMT (ahahaha !)
  • et Lady Gaga (ahahahahaeuuuhhhhaaaarhgh...)

Aujourd'hui, je vais commenter deux albums :
  • Random Access Memories des Daft Punk
  • Glow de Jackson & His Computerband

D'abord Glow.

Lecteur : Attends, c'est qui déjà Jackson & His Computerband ?
Superphilie : Tu devrais lire cet article si tu veux la réponse à cette question.


C'est un album éclectique. La constante, c'est une sorte de goût pour les groupes de voix chuchotantes et de sons mystérieux qui hantent la plupart des morceaux, comme des rituels invoquant une musique d'un autre monde.

On traverse l'album dans une ambiance sombre, profonde, presque maléfique, créée par des accords adéquats parfois dissonants, des basses lourdes et des notes hypnotiques et obsédantes.

Pour comparer rapidement avec Smash, le précédent album de Jackson, Glow part un peu moins en couille, est moins fougueux, moins disparate, et de ce fait il semble moins riche et, selon moi, tout simplement moins bon que son grand frère. C'est dit.
  1. Blow : L'album s'ouvre sur des arpèges très britpop (Beatles, Oasis, Blur, etc.) joués sur une guitare à la distorsion très grunge (Nirvana, Soundgarden, Pearl Jam, etc.), accompagnés d'une drôle de voix profonde rappelant certains morceaux d'Aphex Twin. Puis arrivent des choeurs très Beach Boys, et le drop, qui est assez nul. Dans une sorte de rythme très pop rock, les voix chantent drop the queen, let, let, let it go ou je sais pas quoi. Je sais pas ce qu’ils ont foutu avec le son, est-ce trop compressé, trop saturé (vocabulaire de DJ) ? mais déjà le beat est tout de même un peu pourlingue si je puis me permettre, on le distingue quasi pas. C’est sûrement fait exprès, mais je trouve ça dommage. L’outro a des airs de Radiohead. Avec un son moins zarb, ce serait un morceau super sympa. 10/20
  2. Seal : Morceau intense, avec un sens du rythme et de la structure dingue, un gros beat hip-hop et une grosse basse qui renvoie 50 Cents chez maman, des synthétiseurs qui grattouillent, une mélodie sortie d’un PC dont l’unité centrale est inondée de Coca, du micro-sampling, c’est franchement balèze cette saleté. 17/20
  3. Dead Living Things : La meuf de Planningtorock avec sa voix géniale qui fleure les années 90 période MTV Beavis et Butt-head, pose sa voix sur un rythme lent et des synthétiseurs très saturés en guise de guitares (à nouveau, on pense à de la bonne grosse grunge). Je comprends rien à ce qu’elle dit, mais j’aimerais bien savoir ce que c’est, ces choses mortes qui vivent. 14/20
  4. G.I. Jane (Fill Me Up) : Cet été devait sortir un EP qui devait contenir ce morceau et Vista en face B, avec un remix de Hudson Mohawke. On sait pas où il est passé. C’est peut-être une idée pas con de ne pas l’avoir sorti, parce que ce n’est certainement pas la track la plus abordable. Sont-ce les fautes du mixage et du mastering si ce truc est à la limite de l’audible ? Dès le début, on a l’impression qu’il manque la moitié des fréquence sur les synthétiseurs, et après revient cette espèce de beat aspiré qui nous avait fait chier dans Blow, et cette impression qu’un mec décoiffé qui rigole avec une voix aigüe et un oeil mi-clos s’est introduit dans le studio et a saccagé les réglages des compresseurs. Il faut plisser l’oreille pour percevoir le morceau de rock dynamique très sympa dissimulé derrière ce brouillard de sons, et c’est chiant. 11/20
  5. Orgysteria : Ça sent Pink Floyd, avec cette batterie lente très rock progressif. C’est sympathique jusqu’à environ 3 ou 4 minutes. Après à tour de rôle viennent et reviennent une sorte de piano et un synthétiseur rappelant respectivement certaines chansons de Muse et Air, c’est un peu laborieux et longuet. 12/20
  6. Blood Bust : C’est personnel, mais je m'emmerde avec ce genre de morceau. On dirait le récent remix de Xavier de Rosnay pour Busy P. Une sorte de mélodie dissonante sur un rythme très rapide pendant 5 minutes avec très peu de variation. Sûrement un hommage aux rave parties… 6/20
  7. Memory : Est-ce un hasard si en rajoutant trois lettres, Memory devient Metronomy ? En tout cas les voix ressemblent. C’est un morceau simple et propre, qui ressemble là encore à de la britpop, mais avec des accords rappelant un peu Danny Elfman (compositeur récurrent de Tim Burton). La fille parle de son Alzheimer, de ses ébats sexuels avec son copain et de son dernier paquet de chips. Une conne, quoi. Mais elle chante bien. 13/20
  8. Arp #1 : Morceau très classique qui pourrait passer en boîte (et qui va d'ailleurs figurer dans une radio de GTA 5). Il y a un rythme simple (surmonté des fameuses caisses claires de fanfare que Jackson aime caler ici et là), une basse efficace, un pont au milieu, et un climax à la fin. Ça fait du bien d’être en terrain conquis, d’autant que ce cadre permet à Jackson d’exprimer son talent et son ambiance dans un univers observable par tous, et montrer qu’il sait faire des morceaux efficaces. 16/20
  9. Pump : Playlisté régulièrement par Justice dans leurs DJ sets, celui-ci est également très classique, sur les mêmes rythme et structure qu’Arp #1. Il claque cependant un peu moins. En revanche, l’ambiance dark est délectable. À un moment, on a l’impression d’être en train de se cacher dans une ruelle sombre, seul, par une nuit profonde, alors qu’on est poursuivi par je ne sais quel esprit démoniaque. Ou alors le mec décoiffé qui a modifié les réglages de G.I. Jane15/20
  10. More : J’y vais encore de ma petite interprétation, mais là je me suis senti dans un film d’épouvante paranormal sur un marché de Londres (avec un mendiant en train de jouer de l’orgue), un soir de la fin du XIXème siècle. C’est pour compenser le fait que le morceau est un peu répétitif et pas révolutionnaire. 11/20
  11. Vista est la parenthèse lumineuse qui fait du bien après tous ces morceaux anxiogènes. Synthétiseurs des années 80, rythme punchy, accords sucrés, voix tendres, petits sons évoquant des vols de fées (à 2:18), basse dubstep (oui, rien à voir), un ciel étoilé musical rien que pour nous. Bémol personnel, à 3:00, on s’attend à un drop plus à la hauteur du début flamboyant, et ça tire un peu en longueur à partir de 3:46… 16/20
  12. Billy : L’outro rigolote avec plein de samples tout partout sur le rythme fanfare susmentionné et quelques notes récurrentes. Ça rappelle un peu Teen Beat Ocean dans l’idée, mais c’est beaucoup moins impressionnant… (Détail rigolo, je suis loin d'être certain, mais j'ai l'impression qu'on entend un sample de Billy dans Seal vers 2 minutes 20.) 12/20
Moyenne : 12,75

(Critique du Daft Punk ici.)

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