samedi 25 juin 2011

Analyse de You’re Getting Old (South Park : épisode 7 – saison 15)

Vers la fin de South Park ?


« Analyse », c’est un bien grand mot. Loin d’être extrêmement crypté, ce mi-season finale que nos cousins dégénérés les Ricains ont pu voir sur Comedy Central mercredi 15 juin 2011 est clair comme la diarrhée la plus pure (l’eau – de roche).

Bien géré, cet épisode, d’un point de vue dramaturgique. Avant de dévier progressivement vers le symbolique, il commence comme un épisode classique. Deux thèmes et deux histoires en parallèle qui communiquent, menés par deux personnages ou groupes de personnage. Stan. Son DARRON, qui comme d’habitude est le boulet-type, l’adulescent inconséquent / l’average American homersimpsonesque.

Heureusement que Parker et Stone se sont moqués de Family Guy dans l’épisode Cartoon Wars en évitant soigneusement de mentionner le plagiat du personnage du pater débile obèse d’Homer pour en faire Peter Griffin, parce qu’ils auraient bien été emmerdés aujourd’hui, alors que Randall Marsh en est un autre clône, à ceci près qu’il est svelte et moustachu. Ils ne le disent pas dans You’re Getting Old, mais ils constatent tout de même qu’il a été le dernier recours pour renouveler la série, et que maintenant que sa matière est épuisée, la série est au bout du rouleau.

Vous avez vu un peu les petites références scatologiques dans cet article ?

You’re Getting Old.

Premier degré.

Stan a dix ans. Il vieillit. Son goût change, comme c’est arrivé à nous tous. Moi j’aimais bien les île flottantes, maintenant la vue seule de l’amas de mousse d’œuf me file la gerbe. J’avais horreur du vin. Maintenant je lis des trucs sur l’œnologie. J’ai kiffé ma race devant Space Jam. Ça m’a fortement fait chier quand je l’ai revu, autant que quand j’ai vu pour la première fois Intelligence Artificielle à sa sortie, alors âgé de dix ans, et dix ans plus tard, en le regardant sur Megavideo : « Eh mais, c’est sympa en fait. » Et je me mets à chercher des images du nounours-robot sur Google pour en faire un avatar. Mais Stan ne se met pas qu’à trouver « shitty » les trucs de son ex-âge, il se met à ressentir absolument tout comme de la merde. « It’s called being a cynical asshole » diagnostique son médecin.

Un plan rappelant Little Miss Sunshine. Stan en crise d'adolescence. L'heure du changement ?

Pendant ce temps, son père Randy avec son éternelle crise de la quarantaine s’obstine à écouter les nouveautés musicales pourtant incompatibles à son goût générationnel. Et comme de juste, sa femme est exaspérée. Comme c’était déjà arrivé dans la Garçonnière (saison 2, épisode 12), les deux décident d’un divorce, un vrai cette fois.

Second degré.

La série a quinze ans. Quinze saisons. Beaucoup trop pour prétendre renouveler son intérêt, selon les créateurs. Ces derniers étant les seuls scénaristes depuis le début, pas étonnant qu’ils ont le sentiment de tourner en rond. Peut-être serait-il temps de se séparer et de développer d’autres projets ? Comme Team America (sauf que comme ils l’ont réalisé pendant la production de South Park, évidemment la série a fait de l’ombre au film – ça a dû les gonfler).

Ils sont figurés par le couple Marsh, dont la dispute pré-divorçale a l’air d’une réflexion qui hante Trey et Matt. Stan est soit une allégorie de la série, soit celle des spectateurs, en théorie lassés par les redondances des récents épisodes de South Park, d'où le délire caca(t)esque. Personnellement, je ne trouve pas, j'aimerais que ça continue encore quinze autres saisons. Mais les parents de Stan n'ont pas l'air de lui demander son avis avant de divorcer...

Un couple perdu. Et deux vieux qui volent des britches derrière (ça j'ai pas su l'analyser).

Le divorce diégétique, qui prend une si grosse importance dans cet épisode concluant la première moitié de la saison 15, renvoie-t-il au divorce des créateurs, autrement dit la fin imminente de la série ? Fin qui, dans ce cas, adviendra très probablement à l’issue de cette saison, question de timing. Ça va pas se finir deux saisons plus tard, ça serait ridicule, quoique Parker et Stone soient en contrat jusqu’en 2013. S’ils vont jusqu’à la saison 17, ça ne serait pas la fin de la série qu’ils annonceraient, mais son renouvellement. (Optimisme.)

You’re Getting Old se termine par une espèce de cliffhanger, comme il y en a déjà eu quelques-uns, mais cette fois c'est différent, vu que les autres épisodes à suite furent plutôt en plusieurs parties. Cet épisode semble prédire autre chose de plus ambitieux. Est-ce que South Park va enfin développer de longues intrigues sur plusieurs épisodes ? Pourquoi ne pas le faire sur les sept hypothétiques derniers épisodes et terminer en beauté en réglant tout dans un éclatant dénouement ?

Un peu de fan service, aussi ! Faire référence à la jeunesse de la série : revoir les anciens lieux, les anciens personnages (OÙ EST PASSÉ CE CONNARD DE DARTH CHEF ?) et récapituler les grands thèmes, faire un bilan de chaque protagoniste…

Fantasmes. Je leur fais confiance de toute façon. Ils sont doués ces mecs. C’est ce qu’on retiendra dans tous les cas.

La preuve.

N’empêche, c’est un bon moment pour mettre un terme à cette œuvre contemporaine majeure ; environ un an après leur plus gros coup de provoc : l’espèce de tango sémiotique avec l’image de Mahomet dans les épisodes 200 et 201. On les a menacés de mort, parce qu’ils ont fait croire que le prophète de l’Islam était dans un costume d’ours, et puis finalement, c’était le Père Noël. Lors du premier épisode, Randy dessine Mahomet : un trait pour le corps et un rond pour la tête. « Is that okay to show? » Une interrogation brillante sur les limites de la représentation, en plus d’être LOL à donf les manettes.

Seul bémol : ils flippaient tellement de se faire égorger à la Théo Van Gogh (pas le frère de Vincent, le cinéaste norvégien) qu’ils ont pas su terminer ce double-épisode déjà mythique. Le récapitulatif fait par les personnages (comme à la fin de la plupart des épisodes, « j’ai appris quelque chose aujourd’hui ») est bippé tout du long, genre « bah on n’a qu’à TOUT censurer puisque c’est comme ça MDR raisonnement par l’absurde PTDR ». Le culot ultime de leur carrière, ç’aurait été de montrer une bonne fois pour toute Mahomet. M’enfin, c’est vrai qu’ils sont terrorisants ces terroristes...

Enfin moi, comme je suis un gros dingo qui dit fuck aux fanascistes (et aussi parce que j’ai pas beaucoup de visiteurs – quatre ou cinq quoi), je vais de ce pas caricaturer Mahomet, et si ça les défrise, libre aux Islamistes iconophobes de ne pas consulter ce blog :
Voilà.

Pour festoyer la probable fin de South Park, c’est le temps d’un bilan général. ÉTANT DONNÉ que je possède la flemme, je vais faire des TOPS et puis basta cosi, cet article est déjà bien assez long.

Top 10 des épisodes les plus intelligents
  1. Margaritaville
  2. L’inqualifiable crime de haine de Cartman
  3. 200 & 201
  4. Avec nos excuses à Jesse Jackson ex-æquo avec Le Camp de la mort de tolérance
  5. Le Derby de Pinewood
  6. Vas-y Dieu ! Vas-y ! & Vas-Dieu ! Vas-y ! II
  7. Tout sur les Mormons
  8. La maîtresse de Ike
  9. Les riches débarquent
  10. Poire à lavement et sandwich au caca
Top 10 des épisodes les plus scatophiles
  1. Pipi
  2. Le Bruit marron
  3. Boulettes de Chef au chocolat salé
  4. Gros caca
  5. Les Cathos, c'est chaud
  6. HUMANCENTiPAD
  7. You're Getting Old
  8. Jamais sans mon anus
  9. Le Camp de la mort de tolérance
  10. Y en a dans le ventilo ex-æquo avec Comment manger avec son cul
Top 10 des épisodes les plus originaux
  1. Le nouveau look de Britney
  2. La Coupe Stanley
  3. You’re Getting Old
  4. La Ville au bord de l'éternité
  5. Le Retour de Chef
  6. Jamais sans mon anus
  7. Planète Gros Nibards
  8. Make Love Not Warcraft
  9. Le Mot en « M »
  10. Le Noël des petits animaux de la forêt
Top 10 de mes épisodes préférés
  1. Asspen
  2. Chinpokomon
  3. Déprogrammés
  4. Rock chrétien
  5. Jamais sans mon anus
  6. Le Panda du harcèlement sexuel
  7. La Coupe Stanley
  8. L'Engin
  9. CartmanLand
  10. South Park est gay
Top 10 de mes personnages préférés
  1. M. Garrison
  2. Terrance & Philip
  3. Phil Collins
  4. Mel Gibson
  5. Randy Marsh
  6. Cartman
  7. Saddam Hussein
  8. Philip Glass
  9. Kitty alias M. le Chat
  10. Kenny
Edit du 3 septembre 2011 :

En fait Trey Parker et Matt Stone n'arrêteront pas la série à la fin de la saison, et ils en ont pas marre de la produire. Donc je me suis planté complètement tel une tâche. Voir la vidéo ci-dessous. A+

mardi 14 juin 2011

Quand le stand-up gangrène l'humour français

Est-ce que vous avez remarqué qu'il y a énormément de sketches qui commencent par "Est-ce que vous avez remarqué qu'il y a énormément de sketches qui commencent par "Est-ce que vous avez remarqué qu'il y a énormément de sketches qui...""

...

... LOL !

Pardon. Je recommence. Est-ce que vous avez remarqué qu'il y a énormément de sketches qui commencent par "Est-ce que vous avez remarqué ?". La preuve, j'ai l'impression d'écrire l'un des gags du prochain spectacle de Gad Elmaleh. Du méta-humorisme, un peu comme Ben, qui est assez rigolo soit dit en passant.

Oui, ça ferait un sketch pas mal. Je commencerais par dire ça :

"Est-ce que vous avez remarqué qu'il y a énormément de sketches qui commencent par "Est-ce que vous avez remarqué ?""

Deux suites possibles :
1) Réponse positive du public > Continuation du sketch.
2) Réponse négative du public > "Eh ben en l'occurrence, si."

2) A) Rire du public > "Non, plus sérieusement..." > Continuation du sketch.
2) B) Pas de rire du public parce que cette blague est incompréhensible > "D'accord, le public n'est pas très en forme aujourd'hui !"

2) B) a)  Rire du public > Retour à partir de 2) A)
2) B) b) Pas de rire du public parce qu'ils sont tous susceptibles... ...

...

... Mais c'est SUPER DUR d'écrire du stand-up ? Y a trop de variables et si j'improvise et que je m'enfonce encore plus, je fais comment ? Je passe pour un énorme con. Finalement, je ne vais pas commencer une carrière d'humoriste et je vais finir cet article.

DONC, y a plein de sketches qui commencent par "Est-ce que vous avez remarqué..." et le bonhomme cite une observation du quotidien.

Auparavant, il fallait faire un commentaire spirituel sur cette observation. Mais de nos jours, ces feignasses de comiques s'en tiennent à l'observation seule. Et par un réflexe pavlovien, ces connards de GENS rient automatiquement (et même parfois, ils applaudissent). C'est devenu une habitude.


Moi aussi je reconnais certaines observations (exemple réel : dans L'autre c'est moi, Elmaleh* parle du plat à l'entrée d'un certain nombre de foyers dans lequel on met plein de trucs divers qu'on ne sait pas où ranger : clés de cadenas paumé depuis 2003, stylos usagés, petits sachets avec des boutons de pantalon dedans...) mais en quoi l'observation seule de cette chose est DRÔLE ? Ça vous fait marrer d'avoir tous la même vie ? Je croyais qu'on vivait dans l'époque de l'égocentrisme général ?

*Non, je ne l'appelle pas "Gad", je ne le connais pas.

Il y a encore une formidablement inutile théorie sociologique à faire ici. Les gens aiment se regarder vivre leur vie pourrie. Il suffit de faire un tour sur les albums photo Facebook. "T'as vu ? J'ai passé deux semaines à la plage cet été. 34/72. Là c'est moi qui me baigne. 35/72. Là c'est moi qui me baigne. 36/72. Là c'est moi qui me baigne."

"Voici mon album photo intitulé "Friends" ça veut dire qu'il y a des photos de mes amis dedans. 12/89. Là c'est une soirée qu'on a fait. J'ai un verre à la main et je suis à côté de Julien et Léo. On regarde l'objectif en souriant. 13/89. Là j'ai un verre à la main et je suis à côté de Laura et Victor. On regarde l'objectif en souriant. 14/89. Là j'ai un verre à la main et je suis à côté de Thomas et Léonard. OUAIS, il a un prénom trop bizarre ! On regarde l'objectif en souriant."


Le stand-up est le genre le plus galvaudé de l'humorisme, parce qu'il est celui qui ressemble le plus à la simple conversation. C'est tout simple ! Vous débarquez sur scène et vous blablatez. Vos sketches deviennent des fourre-tout où vous pouvez intégrer remarques (pseudo-)satiriques sur la société, histoires drôles et imitations parodiques.

Mais le pire de tout, c'est le stand-up omar&fredesque, qu'on peut également appeler "stand-up inter-complaisant". Vous mettez non pas un humoriste, mais deux, et vous jartez le public. Ça leur permet de pas essuyer de bide puisqu'ils se marrent de leurs propres vannes même si elles sont pourries (et elles le sont). Le nec plus ultra, c'est que l'un des deux ait un rire communicatif, d'où la présence d'Omar qui à part se gausser sans interruption, n'est bon qu'à faire l'accent créole. Fred, de son côté, est le prototype du pince-sans-rire moyen, qui lâche une bonne blague de temps à autre.

Une des rares images Google où Omar n'est pas en train de s'esclaffer.
Je ne plaisante pas, regardez.

Comme avec Gad Elmaleh, je suis un peu sévère avec ces deux-là, mais les ficelles de leur S.A.V. des émissions sont révoltantes, d'autant que la populace vulgo-hype qui constitue le téléspectatorat du Grand Journal n'y voit que du feu. Même pas foutus de voir qu'il n'y a presque jamais de chutes aux gags de ces deux escrocs de la farce. Leur stratagème-phare pour mimer la bonne vanne, c'est de créer des running gags à partir de rien. Tu lances un gimmick qui n'est pas drôle, ou qui l'est très faiblement ("tu viens plus aux soirées ?", "je viens de voir Mamadou blabla, vachement bien !") et tu le répètes jusqu'à ce que ça fasse rire. Le mécanisme de leur autre système de blague est également passionnant à analyser.

D'après la thèse de ce fascinant bouquin qu'est Ironie et vérité de Belhaj Kacem, l'ironie nous sert inconsciemment à faire passer l'air de rien notre vraie pensée. Quand quelqu'un vous dit "Je regarde Secret Story pour me foutre de la gueule des candidats.", il ne se rend pas compte qu'il adore ça, voir les vaines péripéties de Tatiana et Xavier et les clashes entre François-Xavier et Cindy. D'une manière sensiblement similaire, les blagues ont toujours un fond de vérité, celles qu'on fait et/ou auxquelles on rit sont le reflet de ce qu'on est. On aime tout particulièrement la caricature de nous-mêmes, se voir être caricaturés et se caricaturer soi-même.

Et pour en revenir enfin à Omar & Fred, leur grande habitude c'est de faire de très mauvaises blagues suivies de "pffrfrfffrt" pour signifier que c'est mauvais EXPRÈS. Personnage hyperbolique de cette technique (tavu le beau mot, je sais même pas si ça correspond), Jean Leguin, utilisé par le duo comme moyen de faire passer leurs jeux de mot nazes mais qui les font intérieurement rire.
Jean Leguin, c'est le véritable Fred, en son for intérieur, le Omar subconscient.


Et j'irais même plus loin, tenez-vous bien David Pujadas. Cette manière biaisée de refuser le fait qu'on a un humour de merde, et par le même mouvement, de faire croire qu'on se moque de l'humour beauf, est typique du public d'Omar & Fred, généralement constitué de wannabe-hype frustrés d'être profondément beaufs. Je l'ai esquissé plus haut, le Grand Journal, et même Canal+, c'est la démonstration que coupler hype et populaire est impossible. On est beauf ou hype. Et Canal est, disons le beauf du hype.

D'ailleurs, l'un des meilleurs représentants actuels du stand-up beauf (et nul), Kev' Adams, puise une grosse partie de son public dans la tranche grandjournalesque de la population (càd beaucoup de filles typées parisiennes même quand elles habitent à Vitry-sur-Loire, entre 15 et 21 ans, qui écoutent Two Door Cinema Club, Brigitte et les Strokes), et est mis en scène par le frère de Michel Hazanavicius qui est l'un des ambassadeurs de l'humour Canal notamment depuis 1993.

Overrated. Même s'il m'a déjà fait rire. Une fois. Une blague sur les commentateurs sportifs.
Au fait, pourquoi les stand-uppers ont toujours un petit micro blanc sur le coin de la bouche ?

Après cette longue ronchonnerie, je tiens quand même à STIPULER que le stand-up est le genre comique qui me fait le plus rire contrairement au sketch sous forme de saynète à personnage qui, malgré plusieurs excellents pratiquants comme Dupontel et Palmade, est une discipline bien plus difficile, mais généralement bien plus chiante à regarder. En fin de compte, je pense que je suis un gueux de l'époque, moi aussi.

Enfin, quand même, le stand-up, c'est Woody Allen, c'est Pierre Desproges.
C'est JEAN-MARIE BIGARD. Le stand-up c'est GÉNIAL.

Défendons le stand-up.

(Suite de l'article ici.)